F. Ferrari, J. Letsch, L. Morin A. Guignier, L. Marcellin, T. Bourcier

Introduction

Il est connu que la mise en place d’un trou sténopéïque au sein de la cornée entraîne une augmentation de la profondeur de champ et améliore ainsi l’acuité visuelle de près et l’acuité visuelle intermédiaire. Ce principe est utilisé depuis 2011 dans le domaine de la chirurgie réfractive cornéenne au travers de la technique d’anneaux intracornéens de type Kamra®. Il s’agit d’une chirurgie additive et réversible dont le principal avantage est de ne pas détériorer la vision de loin et de permettre une vision de près chez des patients presbytes emmétropes ou amétropes. Réalisée dans l’aire pupillaire, l’implantation nécessite au préalable une découpe mécanique ou assistée au laser femtoseconde d’un capot de type LASIK, ou la création d’une poche stromale. L’inlay Kamra® est ensuite placé dans le lit ou dans la poche autour de l’axe optique du patient préalablement repéré et marqué. Cet implant intracornéen est fait de polyfluorure de vinylidène dont la biocompatibilité reste encore à déterminer. Le diamètre externe est de 3,8 mm et le diamètre interne de 1,6 mm. Il possède de nombreuses microperforations destinées à faciliter le passage des métabolites (nutriments, électrolytes) cornéens. L’implant Kamra® a fait l’objet d’améliorations successives, portant notamment sur la réduction de son épaisseur (elle est actuellement de cinq microns) et l’augmentation et la répartition du nombre de microperforations. Si les résultats réfractifs semblent prometteurs, le faible recul concernant l’utilisation cornéenne de ce biomatériau a d’ores et déjà permis d’observer certaines complications :

  • dues au biomatériau : dépôts ferreux intracornéens, inflammation diffuse de l’interface, amincissement du stroma sus-jacent. Une étude pratiquée au moyen de la microscopie confocale n’a pas mis en évidence d’altération tissulaire intrastromale consécutive à la pose d’un implant Kamra. Une autre étude a montré une augmentation de l’apoptose induite par l’inlay ainsi que des marqueurs inflammatoires présent, dans la cornée 24 à 48 heures après la chirurgie avec une normalisation de ces paramètres six semaines après l’implantation ;
  • dues à l’effet sténopéique : perte de lignes d’acuité visuelle en vision de loin, survenue d’un shift hypermétropique, halos lumineux nocturnes, diplopie monoculaire ;
  • dues à la découpe : sécheresse oculaire, perte de ligne d’acuité visuelle.

En outre, le coût élevé de l’implant constitue un facteur limitant pour une plus large diffusion de cette technique dont le concept est pourtant séduisant.

Le tatouage cornéen est une très ancienne technique, déjà décrite par Galien au IIe siècle dans le but de masquer une taie cornéenne ou une cataracte blanche par application de noix de galle ou d’écorce de grenade sur une cornée préalablement cautérisée. Plus tard, De Wecker utilisa l’encre de chine au moyen de micro-aiguilles non perforantes, toujours dans le traitement cosmétique du leucome. Victor Morax traitait les cornées opaques de ses patients en introduisant un colorant dans une poche cornéenne préalablement pré-disséquée. Plus récemment, la kératopigmentation a été remise au goût du jour dans le traitement des défects iriens en utilisant cette fois-ci des colorants répondant à des normes européennes (Biochromaderm®, Laboratoire BioticPhocea, Marseille, France [certification SNCH no 0499, fiche 17B, 2011-07-01, Luxembourg]). Ainsi, ces dernières années, la kératopigmentation est devenue beaucoup plus « sûre » grâce à l’utilisation de colorants purifiés et inertes n’interagissant plus avec les tissus avoisinants et s’adresse de plus en plus aux yeux voyants avec des anomalies de l’iris.

La combinaison des deux techniques, anneau intracornéen d’une part, kératopigmentation d’autre part, nous semble pouvoir être à l’origine de nouvelles techniques de chirurgie cornéenne incluant notamment la prise en charge de la presbytie. Le but de notre étude est ainsi d’utiliser la technique de kératopigmentation afin de créer un anneau noir (ou coloré) concentrique intrastromal centré sur l’axe visuel, d’un diamètre interne légèrement inférieur à 2 mm, susceptible d’entraîner un effet sténopéïque (Technique brevetée, U.S. Provisional Application No. 61/713,013). Nous présentons ici les résultats d’une étude de faisabilité préliminaire réalisée sur yeux de cochons.

Section snippets

Matériel et méthodes

Cinq yeux de porcs énuclés huit heures avant l’expérience ont été utilisés (abattoirs de Strasbourg). Le laser utilisé était un laser femtoseconde (Visumax®, Jena, Carl Zeiss®). Les yeux ont été traités avec le programme Intra Corneal Ring (ICR®) correspondant à la réalisation de tunnels pour anneaux intracornéens (utilisés pour les kératocônes et le traitement de la myopie modérée). Les paramètres des diamètres des tunnels ont été modifiés de la manière suivante : diamètre interne : 1,8 mm,

Résultats

L’imagerie cornéenne par OCT-spectral-domain de segment antérieur a permis de contrôler la profondeur et la régularité de la découpe stromale servant de lit à l’injection du colorant, ainsi que la perte de réflectivité cornéenne liée à l’« effet masque » du pigment. Pour l’œil témoin, l’interface de découpe a été visualisée à une profondeur de 221 μm (Fig. 4).

Une lame hyperréflective linéaire située au niveau de l’interface de découpe et associée à un cône d’ombre postérieur a été mise en

Discussion

Le traitement chirurgical de la presbytie a beaucoup progressé ces dernières années. Plusieurs approches chirurgicales ont été successivement proposées : îlot central, îlot décentré, anneau bombé centré et techniques de bascule. Malgré l’amélioration constante de ces techniques, en particulier les techniques de bascule avec augmentation de la profondeur de champ et amélioration de la vision binoculaire, les patients sont quelques fois gênés en vision de loin par l’acuité visuelle de loin de

Conclusion

Cette étude représente, à notre connaissance, la première tentative expérimentale de faire coïncider deux concepts a priori éloignés l’un de l’autre : la création d’un trou sténopéïque intracornéen pour traiter la presbytie d’une part, et le tatouage cornéen d’autre part. La première étude de faisabilité de kératopigmentation annulaire (PresbyRing®) en post-mortem chez l’animal a donné des résultats encourageants. Elle doit être confirmée par d’autres études réalisées chez l’animal in vivo puis 

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.

Article scientifique DOI : https://doi.org/10.1016/j.jfo.2013.01.004

Références (18)

  • J.L. Alió et al. Femtosecond-assisted keratopigmentation for functional and cosmetic restoration in essential iris atrophy J Cataract Refract Surg (2011)
  • D. Hirsbein et al. Corneal tattooing for iris defects J Fr Ophtalmol (2008)
  • A.K. Dexl et al. Reading performance and patient satisfaction after corneal inlay implantation for presbyopia correction: two-year follow-up J Cataract Refract Surg (2012)
  • O. Seyeddain et al. Small-aperture corneal inlay for the correction of presbyopia: 3-year follow-up J Cataract Refract Surg (2012)
  • A.K. Dexl et al. Reading performance after implantation of a small-aperture corneal inlay for the surgical correction of presbyopia: two-year follow-up J Cataract Refract Surg (2011)
  • A.K. Dexl et al. Central and peripheral corneal iron deposits after implantation of a small-aperture corneal inlay for correction of presbyopia J Refract Surg (2011)
  • D.I. Bouzoukis et al. Visual outcomes and safety of a small diameter intrastromal refractive inlay for the corneal compensation of presbyopia J Refract Surg (2012)
  • M.R. Santhiago et al. Short-term cell death and inflammation after intracorneal inlay implantation in rabbits J Refract Surg (2012)

A lire également